[8] Annouchka

Publié le par zverouchka

Un soulagement intense envahis le garçon : il n’était pas seul, on ne l’avait pas oublié. Avoir parcouru tout ce chemin n’était pas une erreur : quelqu’un l’attendait.

Apercevant Joseph, la vieille dame arrêta sa chanson, fit un effort pour lever sa lanterne et considéra le garçon hirsute et dépenaillé qui se tenait devant elle avec un regard tendre et amusé.

 

- Bonsoir, Ivan. Est-ce le froid ou est-ce la peur qui te fait trembler comme un moineau terrifié ?

 

« Ivan ». Les larmes montèrent aux yeux de Joseph. Sa déception était immense. On l’avait confondu avec quelqu’un d’autre. Ce n’était pas lui qu’on espérait… Mais il se reprit, répondant poliment et tâchant de ne rien laisser paraître.

 

- Un peu des deux, Grand-mère. Je ne suis pas à l’aise ici et il est bien possible que je me sois égaré. Mais il fait sombre et vous vous trompez : je m’appelle…

- On t’appelle Joseph, mais ton vrai nom est Ivan. Peu de monde connaît son véritable nom et c’est mieux ainsi : l’ayant appris, beaucoup ne sauraient qu’en faire.

Joseph accueillit cette annonce avec circonspection.

 

- M’aiderai-tu à remplir ce seau et à le porter jusque chez moi ?

- Bien sûr.

- Michka est malade et a besoin de soins. Tu passeras la nuit chez nous, ensuite…

La vieille dame regarda Joseph avec bonté et lui sourit.

- …nous verrons bien.

 

Joseph s’avança pour prendre délicatement le seau des mains de la vieille dame et approcha le récipient  de l’arrivée d’eau de la fontaine avec précautions, par égard pour le bel édifice.

Le gazouillis cristallin qui roulait dans le vieux seau de bois, les reflets de la lune qui dansaient sur la surface liquide, la vieille dame énigmatique qui se tenait à ses côtés, tout conférait à la scène qu’il était en train de vivre un caractère surnaturel. Etait-il vraiment éveillé ? La question effleura le garçon, qui l’estompa d’un sourire. Quelle importance ? Il était bien.

 

Une fois le seau rempli, il le posa à terre, rassembla ses maigres affaires et cala les deux fardeaux sur ses épaules du mieux qu’il pu. Ainsi harnaché, il signifia d’un regard à la vieille dame qui l’attendait qu’il était prêt à partir, et le curieux cortège s’ébranla. Devant lui, la vieille dame ouvrait la marche, se hâtant dans sa lenteur, le pas las mais assuré.  Elle était inquiète. « Michka est malade » pensa Joseph. « C’est pour elle qu’on se hâte ». Qui était Michka ? Une petite fille, sans doute. Fluette, elle aussi. Avec de longs cheveux roux…

- Grand-mère ? demanda t’il tandis qu’ils cheminaient à travers la forêt, laissant la clairière et la fontaine loin derrière eux.

- Oui, Ivan ?

- Je ne connais pas votre nom…

La vieille dame s’arrêta et se tourna vers Joseph. La lumière vacillante de la lanterne l’éclairait parfaitement et le garçon pu l’observer sans difficultés pour la première fois. Un peigne élégant retenu par des cheveux blancs impeccablement crantés, une peau délicate, finement ridée, une odeur suave, délicieusement désuète, mélange de sent-bon et de savon de Marseille, un tablier impeccable… et deux yeux extraordinaires de bonté et de malice. « Elle a dû être très belle, pensa Joseph, et elle l’est encore… ». A son cou, un curieux médaillon pendait après une longue chaîne d’or.

- Bien sûr, que tu le connais. C’est le premier et le seul nom que tu ai utilisé : autrefois, lorsque j’étais jeune fille, sourit elle, j’étais Annouchka. Aujourd’hui… je suis telle que tu m’as nommée. Elle repris sa route. « Appelle-moi Grand-mère ».

 

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